Un héritage historique et géographique varié

Posté par Japanese Knife Company le

La culture et la fabrication du couteau japonais descendent directement de celles du sabre de guerre japonais (katanas). Les matériaux utilisés et les techniques de forge développées dès l’époque Sengoku (époque des guerres féodales japonaises) par les forgerons restent, encore aujourd’hui, de véritables héritages du passé qui se perpétuent au présent. Ainsi, l’art de la coutellerie connaît aujourd’hui sa quintessence et continuera certainement d’évoluer en ce sens avec le temps. Cependant, si les maîtres-artisans sont, en effet, tributaires avec fierté de ce patrimoine d’exception, ils ont tout aussi su en faire un moyen d’émancipation. C’est pourquoi chaque forge possède aujourd’hui sa propre marque de fabrique qui la démarque des autres. 

Forges de Sakai

La ville de Sakai est, de nos jours, considérée comme un des principaux berceaux de la coutellerie japonaise. Située dans la préfecture d’Ôsaka, la ville regorge de vestiges ancestraux, en lien avec l’univers étendu de l’artisanat du couteau. Le travail du fer et de la métallurgie, que les maîtres forgerons ont largement su affiner au fil de l’histoire, témoignent aujourd’hui d’un ensemble de savoir-faire d’exception. Malgré leur renommée mondiale et une demande en approvisionnement qui ne cesse d’être exponentielle, notamment en Europe, les artisans couteliers de Sakai ont fait le choix de perpétuer la tradition et de confectionner manuellement leurs couteaux, relevant le défi de fabriquer des couteaux à la fois fins, extrêmement tranchants à la découpe et faciles à réaffûter. 

Forges de Seki : 

Seki est un haut lieu de la coutellerie japonaise. La ville fait partie de celles ardemment réquisitionnées lors des périodes guerrières du pays. Situées dans la préfecture de Gifu, qui rassemble un nombre important de forges emblématiques nippones, les forges de Seki ont pour caractéristique première de s’être largement inspirées des techniques artisanales et des esthétiques traditionnelles du couteau japonais, tout en axant leurs productions vers des modes de fabrication et des modèles davantage actuels et innovants. L’autre particularité des lames élaborées à Seki concerne l’acier utilisé. En effet, la majeure partie des couteaux fabriqués dans cette zone sont forgés dans un acier inoxydable permettant d’obtenir des lames à la fois dures, résistantes et tranchantes dans le temps. Ces entorses faites à la tradition participent à leur notoriété internationale, ainsi qu’à leur démocratisation. 

Forges de Fukui

La préfecture de Fukui abrite, elle aussi, plusieurs villes à la tradition coutelière. Parmi elles, deux tirent particulièrement leur épingle du jeu : les villes d’Echizen et de Takefu. Moins connu pour son investissement massif dans les efforts de guerre aux temps de la période féodale, à la différence de Sakai ou de Seki, Fukui se démarque pour tout autre chose. Il s’agit anciennement d’une terre agricole. Ce faisant, le travail de l’acier résulte de

traditions aux buts et techniques singulières. Ce n’est qu’à partir de la première restauration impériale de 1333, que ce lieu s’imprègne pleinement de la culture de la forge et la développe en conséquence à sa manière. En effet, approximativement à partir de cette date, la préfecture de Fukui se met à fabriquer des sabres de guerre, mais également des outils de travail agricole. Fortes de cet héritage qui dénote quelque peu, comparativement à d’autres lieux, les villes d’Echizen et de Takefu se sont créées une identité coutelière à la croisée de ces deux cultures. Leurs spécificités résident, en partie, dans les méthodes de forges. C’est principalement par la technique traditionnelle du martelage (uchi-hamono) que ces lames au tranchant unique et à la durabilité du fil remarquable se sont révélées au grand jour. 

Forges de Kôchi

Kôchi est une préfecture située sur la troisième île principale du Japon, Shikoku, en partant par le haut. Bien que l’île fait partie intégrante du territoire national japonais, Shikoku revendique une forte indépendance culturelle et traditionnelle, un peu comme la Bretagne dans le cas de la France. Historiquement lieu de pêche, de par son insularité, et d’essor agricole, la préfecture de Kôchi, à l’instar de Fukui, ne s’est pas inscrite dans une tradition particulièrement guerrière. Si les forges existaient déjà depuis un certain moment, leur développement, notamment à partir de l’époque Edo (shogunat Tokugawa et fermeture du Japon sur le reste du monde), s’est initialement fait en faveur des cultures, coutumes et habitudes maritimes et agricoles locales. Des outils de découpe alors robustes et tranchants sont mis au point par les maîtres-forgerons. L’ergonomie et la longévité de ces derniers sont alors les qualités premières requises dans leur élaboration. À l’heure où la confection des couteaux est devenue le principal travail des artisans forgerons, les techniques de forge manuelles se sont progressivement substituées à des productions davantage mécaniques. L’utilisation d’aciers inoxydables tels que le VG-10 ou l’AUS 8 s’est aussi largement démocratisé. Cependant, l’héritage du passé, comme un fil conducteur, continue de se transmettre de génération en génération de forgerons. Le résultat donne ainsi à voir des lames très solides et acérées, ayant, dans certains cas, une esthétique de finition particulière : le kuro-uchi (forgé noir) ou le martelage sur les bords latéraux de la lame. 

Forges de Niigata

Niigata est une préfecture ancestralement réputée pour son travail accompli sur le métal. Beaucoup de forgerons s’y sont installés depuis des générations et y réalisent un métier d’artisanat internationalement reconnu. Parmi les différentes régions qui constituent la préfecture, celle de Tsubame-Sanjo est notamment célèbre pour sa production de couteaux japonais, mais aussi plus insolite, sa production de clous. Bien que le progrès technique ait progressivement fait place à la machinisation de la production, la fabrication artisanale, héritée des maîtres-forgerons passés, n’a pas pour autant disparu. En effet, la plupart des couteaux sont façonnés industriellement, mais aussi manuellement, par des techniques très sophistiquées, dans des forges ayant pour caractéristique d’utiliser des aciers à forte teneur en carbone, rendant la lame du couteau extrêmement dure et tranchante, comme le veut la tradition japonaise. Le résultat donne ainsi à voir des couteaux d’une finesse remarquable, très prisés, par ailleurs, par les cuisiniers du monde entier pour leur aspect ergonomique. 

 

Jade Shimizu